C'est une idole et son parcours chaotique ne fait qu'augmenter son aura. Juan Martín del Potro n'a pas eu la carrière qu'il aurait dû avoir, la faute à un corps récalcitrant, notamment ce satané poignet qui lui a pourri l'existence. Jamais l'Argentin n'a renoncé à revenir et trois semaines avant son 35ᵉ anniversaire, ses supporters espèrent toujours le revoir un jour sur les courts.
Une deuxième semaine épique
Avec son bandana, ses grands coups droits à la préparation inimitable et son sourire, la Tour de Tandil avait tout pour devenir le 5ᵉ as du circuit, voire davantage. Cette certitude est née en 2009, en finale de l'US Open. Pour défier Roger Federer, "Delpo" a eu droit à une deuxième semaine de folie. Entre les averses qui ont retardé le programme au point que le tournoi se terminera un lundi, il a sorti Juan Carlos Ferrero, finaliste en 2003, en 1/8 de finale (6-3, 6-3, 6-3), puis Marin Cilic, futur vainqueur en 2014, en 1/4 (4-6, 6-3, 6-2, 6-1). Surtout, il pulvérise Rafael Nadal en 1/2 (6-2, 6-2, 6-2).
Néanmoins, "Rodgeur", c'est la gamme au-dessus. Le Suisse est tout simplement le quintuple tenant du titre ! En 2009, il a disputé les 4 finales de Grand Chelem avec une défaite en Australie contre Nadal et deux victoires à Roland-Garros et à Wimbledon. Il est donc sur une série de 20 victoires consécutives en Majeurs. Lleyton Hewitt, Tommy Rodredo, Robin Söderling et Novak Djokovic passe à la moulinette bâloise. Intempéries ou pas, Flushing Meadows appartient à RF.
Pour Del Potro, c'est une première et on ne peut pas dire que Federer lui réussisse : défaite en 1/4 de finale à Melbourne et en 1/2 à la Porte d'Auteuil. Il est donc clairement outsider.
6-3, 2-0 : Federer dans toute sa splendeur
Le premier set fait respecter la hiérarchie. Malgré la profondeur des attaques de la tête de série nº6, le Roi termine les points à la volée et, surtout, breake d'entrée sur un passing croisé de coup droit sorti d'un rêve. Toute la première manche est une démonstration. Tout le répertoire y passe : revers gagnant, attaque de coup droit croisé, conclusion à la volée, ace.
Le deuxième set démarre sur les mêmes bases avec un break d'entrée. 6/3 2/0 : tempête sous un bandana jaune pour la tour de Tandil qui tremble sur ses fondations alors que son adversaire a déjà une main sur le trophée. L'Argentin a une balle de débreak mais Federer l'écarte avec un coup gagnant. Puis c'est au tour du Suisse de voir s'évaporer une opportunité de double break à 3/1.
La réplique argentine et la réponse du Maître
Et puis à 5-4 30-A sur le service de son adversaire, deux bons mètres derrière sa ligne de fond, l'Argentin expédie un passing de coup droit long de ligne qui cloue Federer devant le filet. Vexé, le Bâlois veut écarter cette balle de break dans la même filière. Sa volée n'est pas assez tranchante : Del Potro le punit avec un nouveau passing de coup droit long de ligne. Le match n'a pas tourné, juste le set et c'est déjà pas mal.
Sur le premier point du jeu décisif, l'Argentin sort un coup de défense improbable qui finit en point gagnant. Mini-break en poche, il décoche deux coups droits létaux pour mener 5-3 puis conclure 7-5.
Tout est relancé et la puissance de frappe de l'Argentin commence à faire son œuvre même si, avec sa préparation très ouverte, il s'expose quand il tourne autour de son revers, ouvrant le chemin long de ligne à Federer. Mais c'est bien l'homme de Tandil qui fait plier le Suisse en premier, lors du fameux 7ᵉ jeu. Il ne le sait pas encore mais il restera bloqué à 4 : Federer contre-attaque, débreake pour égaliser à 4-4 et pousse son adversaire à la double-faute à 5-4 30-40.
Et la Grosse Pomme devint albiceleste
6-3, 6-7, 6-4, 2-2 : Federer n'est plus très loin de son 6ᵉ Open. Et puis tout s'enraye. Break blanc. Pour confirmer son avantage, Del Potro remporte un rallye d'emblée sous les acclamations du public. L'Argentin se permet même de taper dans les mains des spectateurs au bord du terrain. Mais en face, ce n'est pas n'importe qui. Le Maître s'offre une balle de débreak à 4-3 30-40. Usée, la Tour de Tandil subit une nouvelle secousse sismique : coup droit dans le filet. Tout est à refaire. Sur un nouveau revers gagnant, Federer mène 5-4. Plus que quelques points. Mais contrairement au set précédent, DelPo ne craque pas. D'un coup droit long de ligne, il égalise 5-5. Nouveau jeu décisif : 3-0 d'entrée. Et un coup droit dans les bâches de Federer remet les deux hommes à égalité.
Del Potro démarre le 5ᵉ set avec un immense coup droit croisé gagnant. Et puis l'Argentin claque un éclair dans la nuit new-yorkaise, un passing de coup droit croisé qui cisaille la montée à la volée de Federer. Break ! Mais le Suisse ne désarme pas. Il sort deux revers long de ligne sur le jeu de service adverse mais Del Potro tient. 4-1, 5-2 15-40 : le Maître sauve deux balles de matches sur son service mais commet une double faute deux points plus tard. Troisième opportunité : DelPo attaque comme un forcené et va chercher son succès en Majeur en provoquant la faute directe en revers. Le géant tombe au sol alors qu'il vient de provoquer un tremblement de terre (3-6, 7-6 (5), 4-6 7-6 (4), 6-2).
À ce moment-là, ni lui ni Federer ne savent encore que ce sera le seul Grand Chelem de la carrière de l'Argentin et que le Suisse ne remportera plus jamais l'US Open. La Tour de Tandil avait trop de fissures et si ça, après un tel match, ce n'est pas de l'injustice, ça y ressemble horriblement.
